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La tournée de Recep Tayyip Erdoğan dans le Maghreb a fait un flop

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Flop RTE MaghrebRecep Tayyip Erdoğan a été accueilli en héros par plusieurs milliers de ses partisans à l’aéroport international d’Istanbul, le 7 juin dernier, à son retour d’une tournée de 4 jours dans les pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie), à laquelle je me suis particulièrement intéressée, me trouvant par hasard au Maroc, ces derniers jours.

Devant ses partisans, à Istanbul, le leader de l’AKP n’a certes pas résisté à la tentation de faire un discours musclé pour appeler à la fin du mouvement qui secoue toujours la Turquie et dénoncer des «manifestations qui (selon lui) ont perdu tout caractère démocratique et tournent au vandalisme.» Il n’est pas sûr pourtant que cet accueil en fanfare ait eu, pour le premier ministre turc, le même goût que celui que lui avaient réservé, en février 2009, ses partisans à son retour du Forum économique de Davos, au lendemain du fameux « One minute ! » (cf. notre édition du 2 février 2009). Car, d’abord cet épisode ne fera pas oublier que la révolte de Gezi Parkı continue à travers le pays, entrant aujourd’hui dans son douzième jour. Et ensuite, que ce retour à Istanbul est venu clore une tournée maghrébine qui s’est fort mal passée dans l’ensemble et qui montre très clairement que le leader turc est en train de perdre dans le monde arabe un peu de l’aura que lui avait value sa sortie de Davos et par la suite, en particulier après les «printemps arabes», l’engouement pour le «modèle turc». Concentrés sur les événements qui se déroulaient en Turquie, les médias internationaux ont prêté peu d’attention à la virée maghrébine d’Erdoğan, alors même qu’ayant été un flop total, elle indique que la contestation du premier ministre turc dans son propre pays, risque d’avoir des conséquences qui ne sont pas minces pour le rayonnement et l’influence de la Turquie en Méditerranée et dans le monde arabe.

Le début de cette tournée maghrébine, au Maroc, a viré en réalité au cauchemar pour le chef du gouvernement turc, ce dernier n’ayant pu rencontrer le Roi Mohamed VI et ayant de ce fait du écourter sa visite. Si officiellement on s’est abstenu de lier cette rebuffade aux événements qui se déroulent en Turquie, il y a quand même tout lieu de penser qu’elle n’est pas tout à fait sans rapport. Le Parti de la Justice et du Développement (PJD) du premier ministre Abdel-Ilah Benikrane n’avait pourtant pas ménagé ses efforts pour que le «modèle turc» soit reçu avec tous les égards, et l’Agence de presse turque Anadolu avait déjà annoncé la rencontre du souverain chérifien avec le leader de l’AKP. Las ! ce dernier est reparti en ayant fait chou-blanc, tandis que la presse locale s’étonnait que le premier ministre turc n’ait pas bénéficié d’un traitement comparable à celui de ses homologues français et espagnol récemment reçus au Palais. Selon des sources averties, l’explication de ce flop serait à rechercher, dans le fait que Recep Tayyip Erdoğan n’aurait pas daigné inclure le Maroc dans la tournée très médiatisée qu’il avait entreprise, en septembre 2011, dans les pays du «printemps arabe» (Égypte, Tunisie, Libye, cf. nos éditions des 12, 14, 16 et 17 septembre 2011). On ne peut s’empêcher de penser néanmoins qu’en laissant Erdoğan à la porte, Mohamed VI a fait d’une pierre deux coups, infligeant au leader du parti islamiste marocain au pouvoir une sévère déconvenue en présence de son allié turc, tout en faisant sentir à ce dernier que son étoile est en train de pâlir sérieusement. Mais ce qui a encore plus surpris a été l’attitude du patronat marocain. La puissante Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) a également boudé le forum économique animé par le leader turc qui constituait l’objet principal de cette visite, évoquant des raisons obscures, notamment l’absence de concertation préalable et les maladresses du gouvernement Benikrane. En fin de compte, ce n’est pas la venue du leader turc qui a fait la une de la presse locale, le mardi 4 juin, mais bien ce boycott du patronat marocain.

L’étape algérienne suivante n’a guère permis au premier ministre turc de se refaire une vertu. En l’absence du président Boutefklika, qui subit actuellement des soins médicaux intensifs en France, le séjour algérien d’Erdoğan, les 4 et 5 juin, s’est transformé en une formalité de pure routine qui a vu les deux pays se réjouir de la bonne santé actuelle de leurs échanges économiques pour ne pas évoquer les incertitudes politiques qu’ils vivent actuellement l’un et l’autre.

La halte tunisienne suivante de Recep Tayyip Erdoğan, qui a participé, jeudi 5 juin, à un forum économique à Tunis, n’a guère été plus concluante. Le premier ministre turc a saisi l’occasion de ce séjour tunisien pour revenir sur les événements qui secouent son pays. Ils s’en est pris notamment sans ménagement aux manifestants de Gezi Parkı, en allant même jusqu’à les assimiler aux auteurs de l’attentat-suicide, qui a frappé l’ambassade américaine d’Ankara, en février dernier. Mais plusieurs centaines de personnes ont manifesté devant le Forum où il se trouvait, en brandissant des pancartes affirmant la solidarité de la «révolution de jasmin» avec le «printemps turc», et en agitant en particulier des bannières du célèbre club stambouliote de Besiktaş dont les fans participent depuis le début aux manifestations sur les bords du Bosphore.

Ce premier déplacement international du chef de gouvernement turc, depuis les émeutes qui se sont récemment déclenchées en Turquie, est donc lourd de signification. Quelle différence avec l’accueil souvent enthousiaste qu’il a souvent reçu, ces dernières années, dans les pays arabes ! De toute évidence, en outre, les forces «laïques» dans ces pays ne sont pas mécontentes des mésaventures actuelles vécues par un leader turc qui est la référence par excellence des islamistes qui briguent le pouvoir ou y sont déjà installés. Les exemples marocains et tunisiens ont en tout cas montré que les milieux d’opposition dans ces pays ont profité de l’occasion pour redresser la tête. Après une telle déconvenue, il n’est pas sûr que Recep Tayyip Erdoğan ait à nouveau envie de se déplacer dans le monde arabe. Insistera-t-il encore notamment pour se rendre à Gaza, comme il n’a cessé de le faire, au cours des dernières semaines, alors même que ce projet a déjà suscité une forte polémique, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur même du monde arabe ?

JM


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